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LE CAMARADE INFIDELE 69!

— Ne les brûlez pas... Il ne faut pas... Seulement que je ne les voie plus...

Il a déjà placé deux liasses dans les vieilles cendres et là petite flamme a jailli de son briquet. Il entend Clymène murmurer d'une voix plus pressante :

— Nous n'avons pas le droit... C'est son écriture...

Cette fois il liésite. Il sent Se tendre et s'éflbrcer la géné- rosité de Clymène, mais il se doit de lui épargner cette pénible victoire. Il place là flamme sous les ficelles qui cèdent, et le feu prend aux premiets feuillets.

Il ne s'attendait pas à ce que l'incinération fût si longue. Quand il croit en avoir fini de ce bavardage amoureux, il cueille encore, du bout des pincettes, des pages entières qui sont à peine noircies, puis des fragments de pages, puis des lambeaux où des mots sont toujours lisibles. Sur leâ cendres même on reconnaît les écritures, celle de l'homrnê « au gros rire » et les élégances apprêtées de sa partenaire. Il imagine une curiosité désolée poussant Clymène, lorsque tout dormira dan-s la maison, à pénétrer dans cette pièce et à se pencher sur ces cendres. Aussi les retourne-t-il, les écrase-t-il.

Sa tâche terminée, il se rapproche. Elle se tient les yeux fermés et les mains croisées sur ses genoux. Il s'assied tout près d'elle et devine, à une inclinaison de tête, qu'elle lui est reconnaissante de sa présence. 11 murmure :

— Ce n'est pas vrai que vous saviez ?

Mais l'orgueil la raidit encore. Il sent bien qti'un autre que lui prendrait dans les siennes lès mains de cette femme, mais il est timide ; et si leur amitié a des hardiesses, elle est sans abandon.

— je voudrais que vous compreniez, reprend-il, le désar- roi d'un combattant, ces effrayantes plongées, ces fefnon- tées à la'itimière et, après tant de privations, la folie avec laquelle on se jette sur quelques jours de liberté.

Elle n'ouvre toujours pas les yeux et dit précipitam- ment :

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