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750 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

« l'ironie, qui est, on l'a dit, une pudeur, et qui est aussi une « rébellion et une revanche ». Il semble bien que ce souci d'éviter un étalage indiscret de sentiments trop intimes, crû- ment exprimés, ait conduit M. Derême a choisir une technique particulièrement industrieuse, et propre à traduire par les rythmes, par l'agencement des mots, ce désaccord perpétuel du poète avec ce qui l'entoure, comme avec soi-même. Ce désac- cord n'est pas une invention du romantisme et Ronsard ne se voulait pas moins retranché du « populaire » que Chatterton. Mais il se gardait de prendre les choses au tragique et de don- ner à l'affirmation de la solitude intellectuelle un tour révolté. De même que Moréas par la noblesse et la largeur de son dis- cours, le poète de la Verdure Dorée, par l'esprit de ses inventions verbales, par la richesse de sa fantaisie, adoucit un pessimisme qui pourrait paraître outré et une amertume dont on ne senti- rait pas assez les motifs profonds.

Entre Toulet et Jean Pellerin la place de ce charmant recueil est toute marquée, mais Tristan Deréme a su garder un ton d'ironie sentimentale qui fait parfois songer à Musset et qui lui appartient en propre aujourd'hui. roger allard

��DÉBARCADÈRES, par Jules Supervielle (Editions de la Revue de l'Amérique Latine).

M. Jules Supervielle chante les pampas du Paraguay, les gauchos, les forêts vierges ou demi-vierges et toute cette Amé- rique du Sud si bleue sur les pages de nos atlas d'enfants. La poésie géographique a son défaut : l'exotisme. Celui de M. Supervielle est aimable. M. Supervielle n'abuse pas des mots barbares qui créent la « couleur locale ». 11 reste un poète français qui trouve parfois des accents émouvants ou émus :

Dans r heure mille et millénaire Qui trempe an fond des temps secrets Pour qui ces roses et ces pierres Qui n'ont ja»iais désespéré?

M. Supervielle abandonne souvent le beau jeu des vers et laisse sa muse en liberté. Je la préfère enchaînée et chantant ces vers mélancoliques :

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