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PAUL VALÉRY, POETE 26 I

Nous touchons ici à ce qui fait la véritable originalité de Valéry ; après l'avoir vu plongé dans son temps, nous découvrons par où il s'y oppose, ou tâche tout au moins d'en éluder la coutume ; ainsi gagne-t-il ce peu d'exil parmi les siens, qui est le signe de la vraie grandeur.

(Et ce ne peut pas être non plus sans raisons qu'après l'avoir révéré, les Dadas se sont légèrement détournés de lui.)

Je ne puis m'empêcher de voir dans la Pythie une véri- table confession personnelle :

— ■ Oh ! maudite /... quels maux je souffre !

Toute ma nature est un gouffre !

Hélas ! Entrouverte aux esprits,

J'ai perdu mon propre mystère !..'.

Une Intelligence adultère

Exerce un corps qu'elle a compris. l

Il y aurait quelque puérilité à se représenter Valéry comme à la lettre « exercé » par un démon vraiment étranger à lui-même, vraiment « adultère », et comme désespéré par cette « possession ». Pourtant cette bouche intérieure dont souffre la Pythie et qu'il s'applique lui aussi à laisser parler au fond de son esprit, pas plus que la Pythie il n'en accepte avec une entière soumission les oracles. Elle n'est en lui qu'

Une bouche qui veut se mordre Et se reprendre ses aveux. 2

Un besoin d'ordre, d'harmonie, de composition le tra- vaille qui l'empêche de se complaire dans une indistincte et fortuite vaticination.

Un besoin de personnalité surtout. Il sent bien le di- lemne terrible qui se pose de plus en plus impérativement

i. La Pythie, p. 38. L'expression « entr'ouverte aux esprits » se retrouve dans Ebauche d'un serpent, p. 65, ligne 5. 2. La Pythie, p. 39.

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