UNE BELLE VUE 395
Champdieu, ayant voulu dépasser le break, l'avait accroché insolemment. Le cheval du break avait glissé sur le grès englué de boue et s'était abattu. Le voici qui se débattait, ruant dans les jambes des autres bêtes, les- quelles renâclaient et se cabraient. Cochers à bas de leurs sièges, voyageurs mirent pied à terre. Quelques officieux, sortant d'un café voisin, accoururent prêter main-forte. M. de Chaberton, qui au bruit de l'accident avait fait arrêter son coupé, se porta sur les lieux au pas gj'mnas- tique. Il eut la joie de constater que la marquise en avait été quitte pour la peur. Cependant M. de Champdieu, stoïque sous la pluie, avait découvert sa tête chenue et présentait ses excuses à M. Tourneur, tout comme si ce dernier eût été véritablement quelqu'un.
Les voitures dégagées des roues l'une de l'autre, le cheval relevé, on s'aperçut que les brancards du break étaient brisés. Il se produisit alors un événement extra- ordinaire. M. de Champdieu s'approcha de madame Tourneur qui s'était mise à l'abri sous une porte avec sa fille. Il y eut entre eux une discussion courtoise, avec des gestes de dénégation de part et d'autre. La petite madame de Champdieu, le chef branlant, vint joindre ses instan- ces à celles de son mari, M. Tourneur ses protestations embarrassées à celles de sa femme. On comprit enfin ce dont il retournait, lorsqu'on vit les uns et les autres s'en- gouffrer dans le landau. Et M. de Chaberton, ayant aidé les dames et s'étant confondu en salutations, regagna, tout mouillé, son équipage.
Autour de nous bruissaient des chuchotements ; on échangeait des sourires ; Madame Tuffier-Maze laissa même échapper un petit rire scandalisé. Mes parents, eux,
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