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Page:NRF 1909 11.djvu/65

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UNE BELLE VUE 4OI

genre ! Vous vous trompez, mon cher, vous me confondez avec un autre. Tourneur n'est pas de ma société, je le connais à peine. Ses faits et gestes ne me touchent donc guère. Nous autres, nous avons d'ailleurs l'habitude de fermer les yeux sur certaines choses... Nous ignorons... Affaire de tact... Dans tous les cas, je ne suis pas fou. Je n'ai pu reprocher à Tourneur d'avoir régularisé sa situation, ce qui étant donné l'existence de l'enfant, n'avait rien que d'honnête... Je n'ai pas pu le blâmer de revenir habiter le pays, après la mort de M. Tourneur père (duquel, entre nous, l'intransigeance était absurde), pour la bonne raison qu'il est difficile de gérer une fortune terrienne ailleurs que sur ses terres, quand on n'a pas les moyens de faire autre- ment. Tout ce que je puis dire aujourd'hui, et nul ne le contestera, c'est que son attitude est parfaitement correcte et j'ajoute des plus courageuses, étant donné l'étroitesse d'esprit de la province.

M. Davèzieux, goguenard, subit ce flux d'éloquence, en tambourinant, les pouces dans les goussets, sur son gilet blanc. Il ne semblait nullement convaincu que ce ne fût point le même Chaberton qui avait jadis soutenu la thèse contraire.

On entendit Madame Davèzieux déclarer avec dégoût à sa voisine que jamais honnête femme ne supporterait le contact d'une personne qui avait été d'abord la maîtresse de son mari, et qui pour comble était une ex-cabotine. Là-dessus les deux ménages confondirent leurs voix, et il apparut, clair comme le jour, que ni les uns ni les autres ne savaient positivement si madame Tourneur était oui ou non montée sur les planches. Je m'étonnai que mon père qui connaissait certainement la vérité ne tranchât

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