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432 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et quels poètes ! — ont pleinement accepté ces règles, n'ont cherché nul autre critère pour savoir ce qu'ils devaient se permettre ou s'interdire, pour distinguer un vers juste d'un vers faux. S'agit-il, pour nous, modernes, de distinguer dans leurs œuvres un bon vers d'un vers mauvais ?.. alors le point de vue change ; nous sommes conduits à porter notre attention sur autre chose, sur des accents délicats, sur des inflexions rythmiques dont ces poètes n'ont pas tenté l'étude, et qu'ils ont pourtant maniés avec la sûreté d'un art incons- cient. Or, — j'en conviens sans nul souci d'ortho- doxie, — dès qu'on eut découvert ces puissances secrètes longtemps enchaînées par l'alexandrin, on dut rêver de les affranchir, de leur laisser déployer leurs vertus dans des combinaisons nouvelles, et d'en varier les effets, sans contrainte préconçue, au gré de l'émotion lyrique. L'entreprise était légitime. Tout de même, elle rompt avec le passé; elle est bien une révolution. A l'occasion, des alexandrins s'insèrent parmi les vers libres ; mais bon nombre de vers libres détoneraient, même parmi les vers très inégaux des Fables. Aujour- d'hui passer, ou revenir, d'un mode d'expression à l'autre, c'est pour le poète un changement complet de tendance, une véritable conversion.

Admettons que les règles d'autrefois fussent trop étroites, sinon toutes factices ; il reste vrai pourtant que leur brusque abandon ne pouvait manquer

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