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notes 549

une solution suffisante ; quant aux autres, le talent de l'écrivain — j'allais dire de l'orateur — ne laisse pas le loisir d'y songer.

Après avoir passé en revue les phénomènes connus de la synesthésie, l'auteur observe que le geste — le geste librement accompli, débarrassé des contraintes de l'usage — est l'expres- sion la plus littérale, la traduction juxtalinéaire en quelque sorte de toute émotion. C'est donc par l'intermédiaire des rythmes corporels que l'œuvre d'art se transmet et se reçoit... " Nous avons un corps, dit Jean d'Udine, et nous avons honte de lui laisser prononcer une belle phrase." C'est la réhabilitation d'un art disparu, et qui fut parmi les plus nobles.

Cette nature généreuse devait s'insurger contre les divisions arbitraires établies entre nos facultés, entre nos sens. " La vie ne tolère pas les catégories, " dit-il. Comme il a sans cesse présente cette émotion sincère, inconditionnée, qui le retient de s'égarer en discussions infécondes sur des sujets inanimés, il ne peut souffrir — et ne le cache pas — ceux qui perdant de vue l'art ou la vie, s'attardent en commentaires et en contro- verses sur une qualité, artificiellement isolée. Il se défie des "sciences d'art," selon lui quasiment dangereuses pour l'artiste, et avec quelque injustice fait à la science des critiques que seuls ont méritées de médiocres savants. Si, portant de grossiers procédés d'investigation dans le domaine de l'art, d'aucuns se réclamèrent de la science, il n'en faut point con- clure à la faillite de ses méthodes. Il ne serait pas moins oiseux d'opposer encore la Science et l'Art, qu'une faculté humaine à une autre, et dans tous les cas, il n'est de connaissance dan- gereuse que la connaissance incomplète.

Ce livre fera certainement grand bruit, surtout parmi les musiciens à qui il s'adresse particulièrement, et ces théoriciens de l'art que l'auteur regarde peut-être trop volontiers en parasites. Cette présentation sommaire ne peut qu'effleurer l'ouvrage, dont chaque page, chaque argument contient matière à développement ou à réfutation, et dont la valeur ne se mesure pas seulement à l'importance des conclusions, mais au charme continu d'une parole vibrante et convaincue.

P. de L.

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