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UNE BELLE VUE 477

jeunes cœurs, nul ne les soupçonne, ni leur cruauté ! Et c'était la main de mon père, lequel m'adorait et qu'il m'était impossible de moins aimer, qui me frappait !

A Charlemont, l'organisation de la vie ne me permet- tait pas de suivre d'aussi près qu'à Longval les péripéties quotidiennes. Je n'étais pas toujours là lorsqu'on apportait le courrier ou que venaient des visiteurs, et surtout main- tenant, car depuis la rentrée je suivais les cours d'un externat voisin. Il s'écoula une longue période de laquelle je ne sus pas grand'chose, sinon qu'elle fut extrêmement dra- matique. Il régnait dans la maison une atmosphère sinistre. Une sorte de terreur planait. Mon père passait de l'agita- tion la plus fiévreuse au plus morne accablement ; un rien l'exaspérait. Et cette fois maman était atteinte ; elle ne dissimulait pas sa tristesse.

Le peu que j'appris, je le tins de Marguerite, laquelle, quittant rarement notre mère, se trouvait à même d'être mieux informée que moi. Elle me dit un jour, et comme un reproche :

— Tu sais, ils ont écrit... Et des choses !... Ils sont joliment méchants, les parents de ton Prosper !

Et deux ou trois autres fois, elle me lança :

— Ils ont encore écrit...

Elle faisait l'entendue, et celle qui possédait de grands secrets fort au-dessus de mon âge, mais je suis convaincu qu'elle n'en savait pas beaucoup plus long que moi.

Pourquoi les Davèzieux écrivaient-ils, et si souvent ? Et qu'écrivaient-ils qui pût avoir pareille gravité ? Toutes les conjectures défiaient mon imagination. Quoi qu'il en fût, nous étions incontestablement brouillés à mort avec eux.

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