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JOURNAL SANS DATES 52 1

Ce livre aurait pu s'achever sur les deux récits histori- ques (dont le premier seul est très bon) qui tiennent à peu près tout le volume. Mais sans doute apparut-il à Balzac qu'il n'avait pas épuisé son sujet et que Catherine elle- même, dans l'histoire, n'avait pas exténué l'idée qu'elle apportait en elle. " Mais moi j'ai échoué ", lui fera-t-il dire. Que voulait-elle donc réussir ? Il feint que sa grande âme impatiente le vienne raconter à Robespierre. Peu s'en faut que ce ne soit à Marat (" Souvenez-vous que pour épargner quelques gouttes de sang dans un moment opportun, on en laisse verser plus tard par torrents, " dira-t-elle).

Après avoir montré combien peu de raison religieuse entrait dans la lutte contre les protestants, ' Balzac put être tenté de présenter une Catherine de Médicis pleine- ment consciente, non seulement de son rôle historique, mais de la théorie même de ce rôle ; et, sans rien préciser imprudemment, d'incliner l'esprit du lecteur, de l'amener

J'étais calme et froide connue la raison même, fait-il dire à Cathe- rine de Médicis. J'ai condamne les Huguenots sans pitié, mais sans emportement; ils étaient l'orange pourrie de ma corbeille. Reine d'An- gleterre, j'eusse jugé de même les catholiques s'ils y eussent été séditieux. Pour que notre pouvoir eût quelque vie a cette époque, il fallait dans l'Etat un seul Dieu, une seule Foi, un seul Maître. Heureusement pour moi, j'ai gravé ma justification dans un mot. Quand Birague m' annonça faussement la perte de la bataille de Dreux : " Eh bien, nous irons au prêche " m'écriai-je. De la haine contre ceux de la Religion ? Je les estimais beaucoup et je ne les connaissais point. Si je me suis senti de l'aversion envers quelques hommes politiques, ce fut pour le lâche cardinal de Lorraine, pour son frère, soldat fin et brutal, qui tous deux me faisaient espionner. Voilà quels étaient les ennemis de mes enfants ; ils voulaient leur arracher la couronne, je les voyais tout le jour, ils m'excédaient. Si nous n'avions pas fait la Saint-Barthélémy, les Guise l'eussent accomplie à l'aide de Rome et de ses moines. (p. 332).

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