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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une noblesse et une sérénité sans égales son horizon immémorial ? Je ne sais, mais celle-ci s’accorde si harmonieusement à cet air, à cette tenue du dix-septième siècle où Lectoure semble avoir fixé son port définitif, du jour où elle se déchargea de son indépendance propre dans l’unité du royaume. Sur ce terre-plein majestueux, plus grand par l’ordonnance que par l’étendue, j’ai compris, avec plus de force et d’émotion que jamais, combien la France est chose réfléchie et liée, et de quelle architecture à la fois sévère et passionnée elle relève.

C’est de la perfection d’un Racine qu’on mesure pleinement la courbe décrite par notre littérature depuis ses origines jusqu’à Louis le Grand. De quelle séculaire poussée cette fleur divine n’est-elle pas le prix, et comme on sent une simplicité pure, une élégance, une aisance enfin, qui fondent tout leur prix sur l’étroitesse des règles où elles sont astreintes ! Ainsi, de ce balcon où Lectoure se recueille dans une paix chèrement achetée, j’embrassais l’effort total d’une ville qui, dès qu’elle naît à la vie civile, et malgré les tyrans successifs qui s’en disputèrent la domination, ne se démit jamais de sa conduite intérieure. Je me sentais vraiment soutenu par de puissantes assises superposées qui s’élevaient des profondeurs mêmes de la terre, et je calculais combien d’âges, quel sage équilibre et quelle lente pondération il avait fallu pour amener une petite commune française au