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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

comprendras, j’en suis sûre, qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer.


J’allai dîner chez les Bucolin. Juliette, souffrante en effet depuis quelques jours, me parut changée ; son regard avait pris une expression un peu farouche et presque dure, qui la faisait différer encore plus qu’auparavant de sa sœur. À aucune d’elles deux je ne pus parler en particulier ce soir-là ; je ne le souhaitais point, du reste, et comme mon oncle se montrait fatigué, je me retirai peu de temps après le repas.

L’arbre de Noël que préparait ma tante Plantier réunissait chaque année un grand nombre d’enfants, de parents et d’amis. Il se dressait dans un vestibule formant cage d’escalier, et sur lequel ouvraient une première antichambre, un salon et les portes vitrées d’une sorte de jardin d’hiver où l’on avait dressé un buffet. La toilette de l’arbre n’était pas achevée et, le matin de la fête, lendemain de mon arrivée, Alissa, ainsi que me l’avait annoncé ma tante, vint d’assez bonne heure l’aider à accrocher aux branches les ornements, les lumières, les fruits, les friandises et les jouets. J’aurais pris moi-même grand plaisir auprès d’elle à ces soins, mais il fallait laisser ma tante lui parler. Je partis donc sans l’avoir vue et tâchai toute la matinée d’occuper mon inquiétude.

J’allai d’abord chez les Bucolin, désireux de revoir Juliette ; j’appris qu’Abel m’avait devancé auprès d’elle et, craignant d’interrompre une conversation décisive, je me retirai aussitôt, puis j’errai sur les quais et dans les rues jusqu’à l’heure du déjeûner.

— Gros bêta ! s’écria ma tante quand je rentrai —