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LA PORTE ÉTROITE
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encore sur la date de ton retour, elle ne peut beaucoup tarder ; je ne pourrais plus rien f écrire. C’est à Fongueusemare que j’aurais désiré te revoir. Mais la saison est devenue mauvaise ; il fait très froid et père ne parle plus que de rentrer en ville. À présent que Juliette ni Robert ne sont plus avec nous, nous pourrions aisément te loger ; mais il vaut mieux que tu descendes chez tante Félicie qui sera heureuse, elle aussi, de te recevoir.

À mesure que le jour de notre revoir se rapproche, mon attente devient plus anxieuse ; c’est presque de l’appréhension. Ta venue tant souhaitée, il me semble à présent que je la redoute ; je m’efforce de n’y plus penser. J’imagine ton coup de sonnette, ton pas dans l’escalier, et mon cœur cesse de battre ou me fait mal… Surtout ne t’attends pas à ce que je puisse te parler… Je sens s’achever là mon passé, au-delà je ne vois rien ; ma vie s’arrête…"

Quatre jours après, c’est à dire une semaine avant ma libération, je reçus pourtant encore cette lettre très brève :

" Mon ami, je t’approuve entièrement de ne pas chercher à prolonger outre mesure ton séjour au Havre et le temps de notre premier revoir. Qu’aurions-nous à nous dire que nous ne nous soyons déjà écrit ? Si donc des inscriptions à prendre te rappellent à Paris dès le 28… n’hésite pas, ne regrette même fias de ne pouvoir nous donner plus de deux jours. N’aurons-nous pas toute la vie f "

C’est chez la tante Plantier qu’eut lieu notre première rencontre. Je me sentais soudain alourdi, épaissi par mon service… J’ai pu penser ensuite qu’elle m’avait trouvé changé. Mais que devait importer entre nous cette pre