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SUR LA TERRASSE DE LECTOURE

chaleur où, par un terrible après-midi, je poursuivais des ruelles sans ombre, qui laissent percer, sous un injurieux crépi, de nobles motifs d’architecture. Tendu jusqu’à rompre dans un isolement auquel ajoutait encore l’heure torride, je ne sentais plus mon corps, allégé de tout son poids par cette combustion dévorante. Quel contraste ne fait pas à cette accablante solitude le frisson qui vous gagne dès qu’on a franchi les portes sacrées ! Tous les sens sont baignés dans un tel bien-être qu’on ne songe qu’à jouir de cette détente aveugle et reposante, plutôt que de tant d’élégance, de hardiesse et de pureté. Quelque chose d’humide semble percer de ce marbre si cru qu’il a l’air fait d’un lait cristallisé, et qu’on se croirait immergé soudain dans une fontaine de fraîcheur faite solide.

À vrai dire, cette blancheur aveuglante et froide, et le cloître aussi, presque païen, par où l’on y est introduit, offre je ne sais quoi d’inattendu et de brutal qui offusque. Ce n’est pas dans ce boudoir ajouré où le gothique s’affine et se corrompt jusqu’à prendre des façons mauresques, que j’imagine Bossuet officiant sous la pourpre. Que je l’entends bien mieux, cet oracle théologal du grand siècle, proférant la parole de Dieu du haut du chœur de la cathédrale de Lectoure, qui n’a pour tout ornement, scellées au mur, que des crosses épiscopales disposées en croix, mais où la