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IIO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mant ses droits propres... Ces poètes ont tous les objets présents devant eux, et mettent facilement en rapport les choses les plus éloignées... Regard dominant le monde^ ironie^ libre emploi des talents^ — cet esprit appartient par excellence à la vieillesse et aux civilisations vieillissantes... " Goethe en cet esprit reconnut le sien, moins enrichi que mûri, libéré, dépouillé comme un vin vieux par les influences de tant de saisons. Et comme représen- tant de l'esprit oriental, c'est Hafiz qu'il devait choisir, — Hafiz, le plus personnel, le plus libre de tous ces maîtres^ et le plus pareil à lui, Gœthe ; c'est Hafiz qu'il aurait choisi, même s'il avait pu goûter Saadi, qu'il admire de loin, et Khayam, dont il ignore jusqu'au nom. Hafiz lui fut long- temps un compagnon, un frère, un autre lui-même, de sorte qu'il sut emprunter sa voix, et chanter en son nom, ou plutôt sous son nom, sans invraisem- blance ni mensonge. S'il existe des lecteurs que ce déguisement déroute, s'ils méconnaissent leur poète en celui qui parle à l'échanson sur la porte de la taverne, ou bien aux houris dans le ciel de Mahomet, qu'ils relisent donc ces vers avec une attention plus avertie : à se transporter " au pays des mystères, des révélations, des prophéties et des promesses ", à se considérer soi-même " d'un point de vue historique " et dans l'unité de sa vie, Gœthe a plus que jamais été sincère, et s'est permis des aveux plus brûlants : joies de l'amour,

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