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LE LYRISME DE GŒTHE III

joies de l'ivresse, libres départs sous les étoiles ; orgueil assuré du génie proclamant ses droits souverains ; fatalité de la puissance, innocence de l'action ; vertige sacré du vivant qui pour une vie plus sublime aspire à la mort dans les flammes — tout cela non pas voilé, mais adouci, transfiguré par un nimbe de clarté mystérieuse. Des trop rares poèmes de la vieillesse, plusieurs offriront encore, sous la même richesse du sens apparent, la même plénitude de signification secrète : " Ce sont, — nous dit Hoffmann von Hoffmansthal, — d'obscures sources profondes ; sur leur miroir glissent maints visages que plus haut l'œil cherche en vain, qui ne sont visibles à personne au monde, sauf à celui-là qui se penche sur l'eau obscure, sur l'eau profonde, d'une très longue vie. "

L'élégie de Marienbad date de 1823 ; le poète avait soixante-quatorze ans. Les parties lyriques du second Faust ont encore la fermeté, l'éclat, le mouvement, qui dans la prose de Gœthe s'étaient dès longtemps affaiblis. — Ainsi, de tous les dons du génie, le moins réfléchi, le plus instinctif, loin de succomber à l'épreuve d'une culture exception- nelle, dut à la culture même cette rare fortune de se renouveler jusqu'au seuil de la mort.

Michel Arnauld.

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