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CHARLES BLANCHARD

dans la maison comme une lave son torrent envahisseur.

Telle était la boutique dans laquelle vivait Baptiste Dumont.

— Il n'y aura bientôt plus de place, lui disait-on parfois.

Il répondait :

— Je les mettrai dehors, j'en paverai les routes. Et au milieu de la boutique, dans un espace qu'il s'était réservé, entouré de son matériel, de ses outils et de ses quartiers de bois, avec un courage que jamais il ne laissait décroître, il était en train de faire d'autres sabots.

Les sabots ne se font pas tout seuls. Le bois est plus dur que les pierres, on dirait qu'il tient tête à l'ouvrier et s'acharne à lui rendre la vie difficile. Baptiste l'attaquait comme un ennemi. D'un bras terrible, lorsqu'il était parvenu à enfoncer dans son morceau les coins de fer, il levait son maillet, et lorsqu'il l'abattait, il semblait dans une lutte corps à corps s'élancer sur le bois en même temps. Il fallait que l'un des deux cédât, que les coins entrassent jusqu'au bout dans la fibre éclatée, ou que l'homme, vaincu par la résistance, éclatât à la place du bois. L'homme n'éclatait pas : il restait vivant pour continuer la lutte. Après avoir posé le maillet et les coins, il s'emparait d'une hache. La bataille était chaude, les outils faisaient penser à des armes. Ils s'appelaient un asciot, un

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