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l'ombrageuse 135

reprit-elle, parlez alors ! " D'une main rude, en même temps, elle lui redressa la face. Surpris, sans défense, il ferma les paupières. Un instant, elle tint, comme dressé au bout du poing le blême visage où la détresse et la fatigue se mêlaient. Mais déjà il se dégageait. Un souffle cwifiis passa sur ses lèvres. Deux fois l'Ombrageuse pensa recueillir l'obscure confidence qu'elle forçait. Hors d'état de tolérer plus longtemps une attente qui la brisait : " Hé bien, fit-elle, parlerez-vous ?"

D'un geste accablé, Philippe étendit le bras vers elle.

    • Ah ! vous vous vengez cruellement, murmura-t-il

enfin. Vous saviez que vous alliez me prendre au dépourvu. Que puis-je vous dire ? Que me reste-t-il à vous dire ? " Et dans une sorte de défaillement de tout son être :

    • J'étais las d'un long combat, ajouta-t-il d'une voix

éteinte. Oui, j'ai craint d'être lâche. Pour en finir d'un coup, pour échapper à moi-même, si j'avais pu faire du moins que vous me méprisiez ! "

Isabelle instinctivement s'écarta. Son irritation, son ressentiment l'avaient abandonnée, comme un manteau glisse des épaules laissant le corps nu et frémissant. Une anxiété poignante l'emplit. Un moment, elle resta inter- dite, à retourner dans sa pensée l'aveu dont la significa- tion semblait l'étourdir. " Que je vous méprise, fit-elle, que voulez-vous dire ? Est-ce une feinte encore ? Que vous servirait mon mépris, et quel est ce long combat dont vous parlez ? Est-ce de moi que vous aviez peur, ou bien... " Soudain, elle porta le bras à sa poitrine, les traits bouleversés, comme si le sens des paroles de Latour se fût subitement développé. " Mais alors, s'écria-t-elle, si vous avez fait cette chose, si c'est pour cela que vous

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