aussitôt mis sous clef soigneusement sans le lire. “Je n’y aurais tout de même rien compris, Malte ; sûr que c’est trop difficile pour moi.” Elle était convaincue que tout était trop difficile pour elle. “Dans la vie, il n’y a pas de classes pour les débutants ; tout de suite il faut répondre au plus difficile.” On m’affirmait qu’elle n’était ainsi que depuis la mort terrible de sa sœur, la comtesse Ollegaard Skeel, qui brûla vive, un soir de bal, comme elle apprêtait sa coiffure devant une glace à candélabres. Mais Ingeborg, dans les derniers temps, lui paraissait tout de même ce qu’il y a de plus difficile à comprendre.
Et maintenant je veux redire cette histoire, telle que maman la racontait lorsque je l’en priais.
C’était au milieu de l’été, le jeudi qui suivit les funérailles d’Ingeborg. De la place où nous prenions le thé, sur la terrasse, on pouvait voir entre les ormes gigantesques le pignon de la sépulture de famille. On avait disposé les tasses comme si jamais une personne de plus ne s’était assise à cette table, et tout autour de la table nous nous étions également espacés. Et comme chacun avait apporté, qui un livre, qui une corbeille à ouvrage, nous nous trouvions presque à l’étroit. Abelone, la sœur cadette de maman, servait le thé, et tous l’aidaient à préparer le goûter ; seul, ton grand-père regardait de son fauteuil, vers la maison. C’était l’heure où l’on attendait le courrier. Il