arrivait d’ordinaire qu’Ingeborg l’apportait, car les soins de la maison l’y retenaient la dernière. Durant les semaines de sa maladie, nous avions eu le temps largement de nous déshabituer de sa venue ; puisque nous savions bien qu’elle ne pouvait venir. Mais, alors que vraiment elle ne pouvait plus venir, cet après-midi là, Malte… elle vint. Peut-être était ce notre faute ; peut-être l’avions-nous appelée. Car je me rappelle que j’étais là et tout-à-coup m’efforçais de me représenter ce qu’il y avait pourtant de changé. Brusquement il me devenait impossible de dire quoi ; c’était soudain totalement oublié. Je levai les yeux et vis les autres tournant leurs regards vers la maison, non point d’une façon solennelle ou particulière, mais dans une attente toute tranquille et quotidienne. Et j’étais sur le point (Malte, j’ai froid quand j’y pense) mais Dieu me garde, sur le point de demander “que devient donc…” Quand déjà Cavalier, s’élançant de dessous la table, bondit à sa rencontre comme il avait accoutumé. Je l’ai vu, Malte, je l’ai vu. Il courut vers elle, bien qu’elle ne vînt pas ; pour lui, elle vint. Nous comprenions qu’il courait à sa rencontre. Par deux fois il se retourna vers nous comme pour interroger. Puis il se rua vers elle, comme auparavant, Malte, exactement comme auparavant, et la rejoignit, car il commença de sauter en rond, Malte, autour de quelque chose d’absent, et puis sur elle-même, pour
Page:NRF 6.djvu/49
Apparence