d’un mourant : il ne reconnaît déjà plus personne. Alors je me représente un solitaire visage qui se soulève de dessus les coussins, qui cherche n’importe quoi de connu, n’importe quoi où son regard puisse reprendre connaissance, et qui ne trouve rien. Si mon angoisse n’était si grande, je me consolerais en me persuadant qu’il n’est pas impossible de voir tout d’un œil différent, et néanmoins de vivre ; mais j’ai peur, une peur indicible, de cette modification. Je ne suis seulement pas encore familiarisé avec ce monde, qui me paraît bon. Que ferais-je dans un autre ? Je voudrais tant demeurer parmi les significations qui me sont devenues chères ! et si pourtant quelque chose doit être changé, puissé-je du moins vivre parmi les chiens, dont le monde est parent du nôtre.
Durant quelques moments encore je vais pouvoir conter tout ceci et le dire. Mais le jour viendra où ma main me sera distante, et quand je lui ordonnerai d’écrire, elle tracera des mots que je n’aurai pas consentis. Le temps de l’autre explication va venir, où chaque signification se défera comme un nuage et s’écoulera comme de l’eau. Malgré ma peur je suis pourtant pareil à quelqu’un qui se tient devant de grandes choses ; et je me souviens qu’autrefois j’avais souvent éprouvé je ne sais quoi d’analogue avant de commencer à écrire. Mais cette fois-ci, je serai écrit. Je suis l’impression qui va se recomposer en une autre. Il ne s’en