Page:NRF 6.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

78 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

long albinos voûté clignait des yeux en se rongeant les ongles, et ses épaules remontaient avec des secousses nerveuses. Une voix de vieille arriva :

— " Min gott ! min gott ! "

puis continua en un jargon incompréhensible, sur un ton de colère pleurarde.

Le Voyageur vit cela, et se sentit au milieu d'un autre peuple, par d'autres temps, plongé dans des mœurs étran- gères. Il éprouva ce vertige anormal et cette horreur sans racine qui sont nos sauvegardes au long des pires cauche- mars ; il reconquit assez de lucidité pour se demander ce qu'il faisait parmi ces gens-là.

Puis un tintement cristallin et grelottant heurta son ouïe. Il eut la notion d'un objet pondérable qui traversait l'air à un doigt de son front, tombait sur la table, brisait net le dessous de plat et s'en allait mourir sur le plancher.

Ce fut le réveil. Il se redressa brusquement.

— " Mais, nom de Dieu, ces animaux là vont nous tuer ! Qu'est ce qu'ils ont donc contre vous ? "

Lévy se tenait appuyé sur le dormant de la porte qui menait à la petite boutique. Il supputait la force de résistance des volets sur qui le bélier retombait toutes les deux secondes : boum, boum. Ses lèvres avaient tourné au vert. Il murmura:

— " C'est le suicide du colonel Henry, cette nuit, au Mont-Valérien. Vous ne savez donc pas ? "

Le voyageur n'avait pas lu de journal. Il ne connais- sait de l'Affaire que ce qu'on en racontait à table d'hôte ou dans les couloirs d'express. Il n'y attachait pas grande importance.

— " Ce n'est pas une raison pour nous assassiner. Qu'est ce qu'ils ont cassé ? "

�� �