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1058 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

"Je te donne donc de parler, ye te donne d'être toi-même Et de saz'oir ce que tu sais.

Connais ta vie, et je t' écoute : Je te donne ce que tu sais. *

Non certes, cela ne diminue en rien la valeur émotive, la valeur humaine de semblables poèmes ; on me répondra juste- ment que dans tous les arts les primitifs ont usé de simplifica- tions analogues et qu'il est temps de simplifier la poésie. Soit, mais en la simplifiant, gardez-vous bien de l'appauvrir du même coup. M. Georges Duhamel me l'avouait lui-même : Qu'on ne s'étonne pas si l'éthique nouvelle entraîne une certaine régression dans l'ordre de la beauté formelle et de l'art ; c'est une rançon nécessaire ; il s'agit tout d'abord de sustenter l'idée lyrique. — Je suis prêt à m'y résigner, tant notre poète-critique montre ici de clairvoyante franchise : mais ses amis l'entendront-ils et sauront-ils réagir à point voulu ? Pour reprendre en exemple le même livre, la première partie de Compagnons qui porte le titre de Visages me semble, telle quelle, d'une grande beauté. Mais d'une beauté surtout morale — trop résolument dépouillée de toute résonnance, de tout agrément, de toute couleur. Et je me demande si l'inspiration du poète, son intention, sa pensée, seront à chaque fois assez neuve, assez inattendue, assez prenante, pour nous faire oublier que nous avions accoutumé hier encore d'exiger de la poésie un moins sévère, un moins abstrait, un moins sommaire enchan- tement.

Ces restrictions posées, il reste qu'on doit se féliciter du renouvellement des sujets qu'apporte le whitmanisme ; qu'il est bon que le poète se déprenne du complaisant égo-centrisme dont le lyrisme romantique lui impose encore la facile conven- tion ; qu'enfin, dans l'œuvre de Whitman, MM. Vildrac,

' Georges Duhamel : A un pawvre homtne {Compagnons, p. 23).

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