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du monde d’être profondément marqué du sceau de sa race. La langue qu’il manie avec tant de maîtrise n’est pas la langue de son enfance ; ce ne fut pas la seconde, ni même sans doute la troisième, parmi celles qu’il apprit ; il ne commença à l’étudier qu’à l’âge de dix-neuf ans, sans règle ni méthode et dans des vues exclusivement pratiques....

... Comme il ne pouvait être question pour lui d’entrer dans la marine de la Russie ; que celle de l’Allemagne et même celle de l’Autriche ne lui plaisaient pas beaucoup plus, on l’envoya en France, à Marseille, où il fit ses débuts à l’âge de seize ans.

Ce fut dans la Méditerranée d’abord, puis plus longuement dans les Antilles, d’où il rapporta des impressions profondes et qu’il devait utiliser plus tard, que se forma le jeune marin. Mais il avait arrêté dans son esprit que, la marine par excellence étant la marine anglaise, c’était sur des navires anglais, sous le patronage de l’Amirauté anglaise, qu’il ferait sa carrière, et il agit en conséquence....

... Il fit avec une constance exemplaire le long stage si dur auquel résistent seules les natures bien trempées. Ses examens successifs, pour conquérir le titre de capitaine, furent tous l’occasion de victoires, et ils ne constituèrent pas des épreuves ordinaires, — car il sembla peu admissible à priori, et du reste sans exemple, qu’un enfant d’un pays qui ne connaît la mer que par ouï-dire émît la prétention de commander des navires britanniques ; aussi son premier interrogatoire devait-il battre de loin tous les records de durée. Ses réponses, il dut les faire en anglais — naturellement ; — il avait vaincu la difficulté supplémentaire de la conquête d’une langue nouvelle avec une promptitude que seules peuvent expliquer une volonté violemment tendue, une inlassable énergie et une foi passionnée.

Enfin, ce qui, plus que tout le reste, prouve à quel point le jeune homme obéissait réellement à une sorte d’exaltation sentimentale, c’est que, le jour où il fut maître de ses destinées,