Aller au contenu

Page:NRF 7.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fictive. Ils savent bien qu’ils ne peuvent naître que par moi : cependant ils ne laissent pas de me narguer.

Il faut que je les épie, que je les surprenne et que je m’empare d’eux. Sincérité, chasse subtile qui ne poursuit que des silences ! Elle demande une agilité intelligente et jamais lasse, une présence d’esprit impitoyable. Parmi tout ce qui se tait en moi elle gouverne, éveillant les sentiments qu’il faut. Elle évite les plus faciles, parce qu’ils sont menteurs ; ceux qu’elle doit trouver ne se montrent pas. Elle essaie plusieurs voies et de plusieurs, les ayant tentées, elle se détourne. Elle a l’expérience du vrai, c’est-à-dire un toucher hésitant qui finit par ne pas se tromper. Pour chaque événement qui m’est départi, par une exploration hardie et diverse, elle rassemble toutes les pensées que je dois avoir ; elle compose mon âme suivant une nécessité mystérieuse ; elle reconnaît avec ingéniosité les éléments épars de cette combinaison inédite, étrange qui sera mon naturel. Rien n’est plus imprévu que moi-même ; je n’aurais jamais imaginé un tel visage. Pourtant quand la sincérité me le présente, je ne songe pas un instant à le renier. Voici bien l’inconnu que j’étais, — et si près de moi ! Comment aussi eussé-je deviné que des sentiments si extrêmes, si difficiles les uns aux autres, pouvaient s’allier pour si bien faire une seule âme ?