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Page:NRF 7.djvu/15

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L’homme sincère n’est pas celui que l’on voit toujours élancé, toujours prêt à répondre, toujours intime avec son cœur et avide de le livrer. Il n’est pas si pressé, car il sait qu’il a beaucoup de besogne. Il n’est pas l’homme du premier mouvement. Il ne tient pas son âme une fois pour toutes, il ne l’a pas apprise par cœur. Mais il la construit à neuf pour chaque occasion. Il doute, il attend, il s’applique ; il est plein de calculs comme un financier ; il s’arrête à chaque étage de lui-même ; il y choisit ce qu’il lui faut pour former sa vérité. Ou bien comparons-le à un fin chasseur joyeux qui dépiste ses sentiments, les suit, les force, les ramène. Que j’aime cette prudence allègre, cette attention vive et dure, cet enthousiasme contenu, ce regard réfléchi entre les paupières rapprochées, et ce sourire ! « Voilà donc ce que je pense ! » s’écriera-t-il à la fin.

Il est plus difficile, et plus gai, d’être sincère que d’être juste.

II

Plus dangereux aussi. On ne possède pas la sincérité comme un bien à quoi l’on n’ait besoin de penser que parfois. Si je manque un instant à la surveiller, elle se tourne contre moi ; elle fait sentir dans toute l’âme sa claire et pernicieuse