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Page:NRF 7.djvu/19

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DE LA SINCiRITÉ ENVERS SOI-MÊME I3

d'une femme que la parenté eût dû me rendre sacrée. J'ai tenu son corps contre le mien, j'ai baisé son visage avec des lèvres tremblantes, avec cet abattement mortel du plaisir. Je n'ai peut-être pas connu une femme belle à qui j'eusse pu dire sans honte tous mes sentiments. Cependant je ne suis pas un misérable. " Et j'ajoute : en moi non seulement des amours, mais aussi des haines que personne ne songe à soupçonner : haine de celui qui me fait du bien ; elle jaillit, brusque, au mo- ment même où je le remercie ; rancune secrète d'une parole trop sincère qui m*a sauvé ; besoin trop ravissant de laisser se perdre celui que j'aime, quand un signe suffirait à l'avertir ; désir de trou- bler sa paix simplement parce que je le sens auprès de moi ne pas souffrir ; violents assauts d'égoTsme comme de grandes inspirations cruelles qui tout à coup me font seul au monde, plein d'insulte et de joie ; longue méditation de petites perfidies dont il serait si amusant d'essayer la pointe ; remords de n'avoir pas profité de telle occasion de faire le mal ; calculs si bas qu'il semble que ce soit un autre qui les fasse. Et dans mon âme il y a encore toute la famille des idées ridicules ; elles apparaissent de côté comme des marionnettes ; elles se fichent en travers des grandes pensées, comme dans le regard qui contemple un vaste spectacle, s'installe irrémédiablement le chapeau bossue d'un monsieur qui ne s'aperçoit de rien ;

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