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198 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tu étais transporté ! Tu songeais un peu à ton capitaine Singleton, à tout ce que tu avais imaginé, pour lui, de la Virginie, dans ton roman.

Mais, le capitaine Singleton qu'était-ce, de Foë, quel misérable être à côté du prodigieux homme que tu allais voir !

C'était — il t'en souvint longtemps ! — un dimanche aussi tumultueux que les autres. Les gens buvaient, chantaient des mélopées berceuses comme le sont toutes celles des marins ; les verres se choquaient ; et ceux qui avaient bu en rede- mandaient pour un penny sans doute ; et ils trinquaient ferme en mangeant des saucisses et des harengs fumés. Dehors, il tombait une pluie fine, légère, qui embuait les carreaux étroits et ne permettait pas de distinguer, au dehors, les silhouet- tes des bricks et des goélettes, la forêt des mâts ni ces milliers et milliers de cordages qui ressemblaient, dans leur ensemble, à un grand filet jeté sur le port. Et toi, tu étais là, mêlé à tous ces hommes, un verre dans une main et une pipe dans l'autre, rêvant à des Amériques.

Tout à coup, la porte s'ouvrit sous une poussée rude, une voix forte cria, à l'adresse de Watkins : " Good morning, old fellow ! " (Bonjour, vieux camarade !) Au bruit, un instant tu tournas la tête ; et dans la fumée du tabac, les lueurs de l'alcool et les flammes des punchs, tu revis l'homme extraordinaire qui était déjà venu à toi dans le

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