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DE LA SINCÉRITÉ ENVERS SOI-MÊME If

que dans ses romans. — Pauvre grande âme maladroite ! Elle est exclue de partout. On s'est passé d'elle. Plus rien ne lui est demandé. Elle est frappée du grand malheur d'être inutile. Elle était trop attentive, elle hésitait trop au moindre sacri- fice ! — Stendhal s'est attaché comme un confident à sa propre personne ; il ne peut plus entrer nulle part avec celui-là qui le suit. Rien n'est plus ter- rible que sa mort brusque, sur un trottoir de Paris, au seuil de la vieillesse dont il s'était rendu inca- pable.

Mais moi je n'estime rien au dessus de vivre, et ce dont d'abord je ne veux rien laisser échapper, c'est de vivre. Le véritable honnête homme est celui qui sait employer son âme comme il faut aux événements; il n'ignore rien de ce qu'elle contient, mais il n'a pas perdu sur elle son autorité légitime, et il fait d'elle ce qu'il veut. — Il la connaît jusque dans ses plus secrètes malignités, il n'a pas de lui- même cette haute opinion si ridicule que l'on voit à tant de gens, il sent les poussées de l'esprit bas, il regarde hardiment sa méchanceté et sa laideur, il leur cède parfois et il en a remords. Mais il ne les admire pas ; il a d'autres soucis que de les protéger ; il passe outre. Il accueille les évéments qui lui sont donnés et il travaille à les subir avec justesse. Comme un bon ouvrier met de l'ingé- niosité à suivre le plan qu'on lui trace et, si l'usage

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