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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mémoire, toutefois sans éclipser aussi profondément le voyageur de Flandre, de Hollande, de Danemark, de Suède, de Laponie, de Pologne, d’Allemagne... et le conteur de la Provençale.

La Provençale est encore un voyage, mais mis à la mode du conte. Regnard se trouvait conduit à cette forme littéraire par l’histoire d’amour, vraie, qui y est liée. Peut-être s’étonnerait-on de nos jours qu’un tel sujet ayant été saisi sur le vif, si triste dans son essence même, où le sort s’acharne contre le héros et le frappe de tant de souffrances physiques et morales, où l’on devrait sentir la palpitation de blessures à peine cicatrisées, soit devenue une historiette élégante et polie, avec la mise en scène de bonne compagnie, banale depuis le Décamèron^ et toujours gracieuse quand on sait la renouveler aussi ingénieusement qu’un nouvel académicien doit faire de son remerciement à l’Académie. On peut accuser la légèreté d’esprit, à la française, de Regnard. On peut en admirer l’héroïsme raisonnable, raisonnant, raisonné, si du moins raison et héroïsme ne jurent point de s’accoler, ce dont je ne suis pas sûr. Je veux être reconnaissant à l’auteur de la courtoisie qu’il met à ne pas nous imposer de spectacle affreux, à épargner nos sens. Seulement, je le lis froidement. Tout le romanesque qui pullule dans la Provençale ne vaut point pour mon cerveau le moindre élan de romantisme, le moindre éclat de réalisme. La