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32 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sur le ballast, remplaça le glissement régulier des roues sur l'acier uni. Les 120 tonnes de fer de la Compound dont rien ne guidait plus la vitesse, choquaient à 80 km. à l'heure, les cailloux lancés en mitraille sur les wagons du triage, puis la A. 3,609 se couchant sur les rails tordus offrit buttoir au train qui s'écrasa sur elle dans une forte détonation. Le brisement des bois et le ploiement des fers s'achevaient dans l'emmêlement des voitures, dont les débris cherchaient l'appui. Le dernier craquement monta mourir dans l'espace paisible où habitait le sourire du ciel. Et le silence revint durer le temps qu'il faut aux hommes pour passer de leur habitude à l'épouvante illi- mitée. Puis les cris grandirent, rejoints par de nouveaux cris poussés à briser les gorges. Les voitures arrière, restées debout sur rails, toutes portières ouvertes, rendaient des fuyards qui se frappaient, tombaient dans la poussière donnée par le choc. S'écorchant à franchir la clôture d'emprise, ils partaient libres dans la plaine d'asile, folle- ment contents de vivre.

Les deux premières voitures dominaient la locomotive, invisible dans le brouillard brûlant de la chaudière où le sifflement des fuites imitait le cri des hirondelles qui con- tinuaient leur activité merveilleuse.

Les manoeuvriers, lentement adaptés à cette réalisation momentanée de l'épouvantable, couraient à contre-fuyards aux voitures démolies, mais parvenus sur le fouillis de bois, de fer et d'hommes, se décourageaient d'atteindre les hurleurs enfouis.

M. Legendre usant son doigt livide au bouton d'ivoire du téléphone obtenait réponse après un temps qu'il croyait long mais où il ne put jurer que six fois entre ses haleines raccourcies :

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