404 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
dont le sens religieux s'est perdu au cours des âges, et qui ne servent plus à ces femmes amoureuses qu'à peindre les désirs, les regrets ou l'espoir dont leur cœur est rempli. Alors on oublie tout, la poussière et les mouches et l'atroce musique, on reste suspendu à ces mains frémissantes, on entrevoit dans un éclair tout ce qu'il y a de frénésie sous cette pudeur grisante, et ce qui s'abrite de mystères et de drames passionnés derrière les murs silencieux de ce petit village de boue...
Mais quoi ! je n'étais venu là que pour respirer une fleur, entendre une chanson. La fleur, je l'avais respirée ; cette chanson, je l'avais entendue. En route ! me disais-je. Quel plaisir puis-je encore trouver à m'attarder plus long- temps ? La flûte de roseau me l'avait bien prédit : il y a ici un secret, une âme qui se cache. Cette fleur mystérieuse ne m'est pas réservée. A d'autres de la découvrir, je ne la verrai pas, il faut m'en consoler. Et pour me retenir, l'hôtel du Petit Sahara^ où je suis descendu, est vraiment trop ignoble.
C'était bien en efiPet un étonnant taudis, l'auberge au nom baroque, tenue par le maltais Benvenuto Mammo ! Toutes les odeurs innommables qui flottent sur les rives de la Méditerrannée, de Carthagène à Beyrouth, s'y étaient donné rendez-vous ; et si par aventure un plat échappé de la cuisine venait réveiller l'appétit, la vue du ■maître de céans avec son doigt coupé, sa tignasse grais- seuse et ces gros yeux chassieux, encadrés de jambon, auxquels on reconnaît un Maltais, vous mettait le coeur sur les lèvres.
Je m'apprêtais en conséquence à laisser là cette auberge,
�� �