LE RAIL 39
M. Laroze pilotait la locomotive. Il quittait avec soulagement la gare aux voyageurs bouchée sur le public criard. Ce bouleversement de son service le rendit peu aimable aux hommes du triage et, devant le fracas du train couché, il tint ce propos à M. Legendre :
— Dérailleurs ! Vous en faites du beau !
qui lui valut une prompte réponse en pleine figure :
— Refoutez le camp d'où vous venez.
On indiquait aux médecins l'emplacement des abîmés. Les hommes de la O* souhaitaient leur évacuation. Per- sonne ne savait par quel ordre on les couchait dans le 15 10. Des gens blêmes d'angoisse et les médecins mécon- tents occupèrent les fourgons ambulanciers. M. Drtize lui-même donna le signal du départ par refoulement. Au démarrage, deux cents voyageurs éparpillés se bousculèrent pour monter. Il fallut arrêter. Des cris de souffrance sor- tirent des fourgons secoués où les blessés aux os brisés perdaient leur vie.
Les rescapés serrés aux portières commençaient de formuler l'opinion publique :
— L'aiguilleur s'est suicidé.
— C'est fou de faire passer un rapide sans ralentisse- ment sur une voie en réparation.
— Celui-ci ne déraillera pas. Quelle brouette ! Quand arriverons-nous à la gare aux voyageurs !
Semblables aux mouches revenues sur le sucre, parmi les cadavres de celles tapées, ils souhaitaient le recom- mencement de la vitesse dont achevaient de mourir les blessés des fourgons.
M. Menu, chef de bureau de l'inspection principale, prenait le parti de courir à la cabine I et arrivé là, de
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