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Page:NRF 7.djvu/464

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bien l’égrènement sans lien de ces souvenirs pittoresques... Mais attendons les autres "chants" pour le juger dans son équilibre total et bornons-nous à louer en principe ce premier effort de " construction. " Si indiscipliné lyrisme saura-t-il s’en accommoder ?

Dans un essai fougueux et souvent perspicace, M. Jean Richard Bloch a justement entrepris de fixer la " position " toute unique qu’occupe le poète des Ballades Françaises dans le mouvement lyrique contemporain {L’Effort, N" de Novembre l^ii: Le cas Paul Fort). En reconnaissant en Paul Fort notre seul poète populaire, notre seul poète improvisateur, il ne s’est pas mépris sur la qualité de son art qu’il a finement opposé à l’art savant des symbolistes... Mais quoi ? au nom de la poésie populaire, fallait-il condamner ceux-ci et tout art savant avec eux ? M. Jean Richard Bloch leur a successivement reproché d’avoir voulu perfectionner leur métier, comme si ce n’était pas là la marque de noblesse de tout art ; de n’avoir fait que renchérir sur la subtilité prosodique parnassienne, comme s’il méconnaissait le triple caractère de leur eifort rythmique : assouplissement, élargissement, dynamisme ; de n’avoir pas " rendu la poésie à sa destinée ", c’est-à-dire selon lui à la " cadence populaire ", à la " libre improvisation " — comme si, sauf exception (dont nous aussi nous nous réjouissons, oui certes !) la poésie pouvait retourner à sa source, se contenter comme aux temps primitifs de quelques refrains spontanés ! comme si dix siècles de culture n’avaient pas encouragé notre lyrisme à de plus vastes, à de plus complexes desseins !...

Mais ce qui fait pour nous la valeur d’un Paul Fort, c’est précisément son unicité, sa solitude ! C’est l’assurance que nous avons, qu’il ne peut pas être imité ! que son entrain à rebondir sur les cadences les plus simples de notre langue, au mépris même des modulations intérieures que permet le vers régulier, nous semblerait insupportable chez tout autre ! C’est que son