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602 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Au centre de ces aridités, sur une colline en pain de sucre, une ville fantôme apparaît, rose elle aussi, du même rose tendre que tout le pays qui l'environne, mais criblée de trous d'ombre, de centaines d'arcades orientées vers la Mecque, et qui lui donnent l'air de quelque énorme ruche suspendue au rocher. Au delà, une tache bleue, un peu d'ombre sur le sable, une petite palmeraie. Et cette tache bleue, ces constructions énigmatiques, ces palmiers funéraires, ce sont là les derniers vertiges de ce qui formait, il n'y a pas un siècle encore, les plus beaux jardins du Sud.

Ici, il y a plus de neuf cents ans, des Musulmans puritains sont venus chercher un refuge contre les per- sécutions de leurs coreligionnaires, et, miracle de la volonté soutenue par un sentiment mystique, ils trans- formèrent ces vallées de la mort en d'immenses jardins verdoyants. Tandis que leurs enfants et leurs femmes, conformément à la loi, restaient dans la pieuse vallée, eux s'en allaient commercer dans le Nord, et chaque année ils revenaient apporter à la terre bénie l'argent gagné sur les routes du trafic. Cette ingrate contrée du Mzab, qui n'avait d'abord été que l'abri de leur foi, devint pour eux un luxe, un paradis terrestre. Tous ces petits murs bas, qui sillonnent la plaine en tous sens, sont l'inextricable réseau des rigoles qui fertilisaient ces sables ; ces monticules de terre sèche marquent la place d'anciens puits ; ces pylônes ont supporté des poulies, et sur ces plans de terre inclinés, durant des siècles et des siècles, les esclaves noirs du Soudan, les chameaux et les ânes ont tiré infatigablement la corde qui faisait monter l'eau.

Aujourd'hui, la sainte vallée est bien déchue de son

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