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LA FÊTE ARABE 645

tomber, elle donnait libre cours à ses larmes et ne s'inter- rompait de pleurer que pour me supplier de jeter en prison la chienne qui l'avait injuriée.

Elle marquait un chagrin si naïf, elle montrait tant d'aversion pour ce malheureux méchebek, qui faisait im ornement nécessaire à sa gentillesse, que je faillis me laisser fléchir. Cette fois pourtant je tins bon. Le soir même elle abandonnait mon logis et se retirait chez sa mère.

Je goûtai pendant quelques jours un calme, un repos oublié. Mais une maison arabe où ne flotte pas un voile de femme, où ne tinte pas un bracelet, où l'on n'entend plus de cris, c'est le séjour de l'ennui. Sans doute cette petite barbare était insupportable, mais elle avait des mots, des gestes qui faisaient tout oublier. Je sentis que j'avais pour elle un attachement plus profond que celui des premiers jours, car il était sans illusions, et j'avisai aux moyens de la faire revenir.

Je me rendis à la cuisine, où je trouvai Mabrouka, la vieille Arabe teintée de sang nègre qui préparait les ragoûts et les kousskouss, et je lui demandai ce qu'il y avait à diner.

— La nourriture est toujours amère, quand le coeur est triste, répondit-elle en clignant des yeux.

— En effet, répliquai-je, mais j'espère que des personnes de bon conseil aplaniront les difficultés.

Son oeil prit une expression plus fine encore, et mieux que toute parole me prouva qu'il était superflu de m'ex- pliquer davantage. L'âne comprend par une demza (coup de poing), l'intelligent par une ghemza (un clin d'oeil).

Deux heures plus tard je la voyais revenir, courbée

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