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646 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

SOUS le poids des paquets dont l'avait chargée sa maîtresse. Derrière elle, Zohira s'avançait dans ses voiles de soie, avec une lenteur de sultane. Elle entra chez moi sans mot dire, me saisit dans ses bras, me renversa sur le tapis... Seulement dès le lendemain elle remplaçait son méchebek d'or par un abominable chapeau, l'antique melhafa par une rouba sans taille et à larges volants, et ses jolies babouches par des souliers vernis.

J'avais cédé sur un point, je dus céder sur bien d'autres. Chez moi tout rentra peu à peu, les sorcières et les superstitions, le Marabout et ses talismans. Elle s'était prise pour Si Aïssa d'une crainte et d'une admiration idolâtre. Chaque fois qu'il la rencontrait, le sinistre personnage s'arrêtait pour lui faire honte de vivre avec un Roumi et appeler sur sa tête les malédictions du ciel. Pour apaiser sa colère, elle lui faisait des présents. Chaque soir je découvrais quelque nouveau scapulaire à son cou, quel- que papier graisseux dans ses nattes. Un jour même qu'elle était malade, elle réclama Si Aïssa avec une telle insistance que pour ne pas aviver sa fièvre je consentis à le faire venir. Elle guérit grâce à mes soins, mais le prestige du Marabout s'accrut encore de ce miracle. Elle le consultait maintenant sur ses actions, ses moindres malaises. Il finit par incliner jusqu'au crime cette petite cervelle d'oiseau.

Ici, le Khalife s'arrêta, les yeux fixés devant lui, comme s'il eût aperçu dans une vision rapide ces moments lointains de sa vie.

— Puis-je dire jusqu'au crime ? continua-t-il d'une voix

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