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71 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

bent et rejaillissent les eaux, des côtes abruptes où s'agrippent, çà et là, d'audacieux et charmants villages, de vertes prairies baignées par des rivières rapides et transparentes, des chemins sinueux aboutissant à des hauteurs neigeuses, voilà ce que Charles Lacoste, dans cette série de paysages des Pyrénées, a su représenter avec amour.

Fait de charme et de modération plus volontiers que d'em- phase, le talent de Charles Lacoste adoucit de brume impal- pable, de molle et grise vapeur ce que présente d'un peu rugueux, d'assez rude la montagne. La gravité, la mélancolie qui se dégagent le plus souvent des hauteurs se manifestent dans plus d'une de ces pages sincères ; mais cette mélancolie et cette gravité ne vont pas ici — contraste heureux ! — sans quelque chose d'allègre et de dégagé qui enchante. L'on peut dire de Lacoste qu'il atténue sans les amoindrir les contours, les crêtes et les plans de ces puissants paysages ; son art enveloppe d'une sorte de voile fluide les aspects riants ou sévères des monts pyrénéens ; mais la sensation de fraîcheur qui émane de ces sites n'est qu'adoucie à peine par cette brume légère qui se dégage des vallées pour s'élever, le soir, à la façon d'une respi- ration vaste et cadencée.

Les grands mouvements des ombres et des lumières qui se projettent, suivant l'état du ciel, sur les flancs verdoyants de collines démesurées, sur la paix des prairies et le sommeil des villages ont été observés fort bien par Lacoste. Il y a peu d'ex- cellents peintres de la montagne ; mais, je pense qu'il sufiîrait, parmi tant de productions disparates, de quelques aquarelles pleines de hardiesse et de mobilité de Paul Rossert, de quel- ques toiles limpides et fraîches de Lacoste pour indiquer aux artistes les ressources multiples d'inspiration que leur offrent tant de sereines et fuyantes campagnes, de cimes élevées, de gaves torrentiels, de neiges vives et scintillantes.

��E. P.

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