Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/1050

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1042 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

§

Que reste-t-il d'un auteur politique ? La mesure des services qu'il a rendus, c'est qu'il ne peut plus nous en rendre. Il est comme le comédien, qui épuise son mérite avec sa vie. Meilleures étaient ses raisons, et plus il en a de disparaître. Quand on perd son temps à écrire de la politique, il vaut mieux avoir tort, et soutenir des causes condam- nées, ou des vérités imaginaires. Il suffit qu'on soit sûr d'avoir raison, et qu'on y porte toute la rage et toute la haine, qui sont propres à la certi- tude envenimée par la défaite. Là, du moins, le talent a de l'essor ; et si l'œuvre ne prouve rien, elle révèle pourtant un homme.

11 est rare que les bons discours ne soient pas des Philippiques. L'indignation fait retentir la voix du poëte et de l'orateur. La haine a du ton. C'est un rude métier ; mais il soulève son auteur. Bien- tôt, on ne s'occupe plus de ce qu'il dit, mais seu- lement de sa façon de le dire. L'invective et la fureur peuvent nourrir un livre.

La prudence est misérable dans un genre, oii le mensonge est si nécessaire qu'il faut d'abord se mentir à soi même, pour être bien cru des autres. Les partis ne sont fondés que sur l'excès. Ils répugnent naturellement à la justice : elle est, pour eux, la trahison ou l'immobilité. C'est pour-

�� �