1070 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
discernera peut-être un jour les sept notes simples qui, de l'architecture à la musique, les gouvernent tous.
Et pourtant l'un de ces tableaux est meilleur que l'autre, et ce meilleur c'est celui de Chateaubriand. Sa fraîcheur est demeurée intacte ; pas un coin de mot oii vous trouviez un grain de poussière ; cela, dans sa musique savante, jaillit aussi ferme, aussi frais qu'une tirade de Racine, une belle stance de Lamartine. La phrase naît, fleurit, s'éclaire, par le même acte de splendeur native qui fait éclore de la nuit l'Acropole,
" Des fleurs et des fruits humides de rosée sont moins suaves et moins frais que le paysage de Naples sortant des ombres de la nuit. " Je ne dirai pas qu'un paysage de la Médi- terranée au lever du soleil est moins beau que les phrases de Chateaubriand. Mais la corbeille de fruits, la terre bénie dont les lignes s'éveillent, le suave chœur des mots qui s'enlacent, sont ici pour moi les formes de la même beauté, trois jaillis- santes Grâces qui de loin ne forment qu'une branche fleurie.
A côté du tableau de Chateaubriand celui de Flaubert sent l'artificiel, c'est-à-dire que l'art, chez lui, s'arrête en deçà du point où il recréerait une nature. Peut-être un jugement tout impartial est-il ici difficile : la description mécanique exploitée par le naturalisme a converti en clichés une bonne part des tours qu'emploie Flaubert. Il nous faut faire un effort pour en retrouver le caractère direct et créé. Mais une imitation ana- logue a eu beau s'exercer sur Chateaubriand, elle ne l'a pas diminué. Si les phrases de Flaubert sont devenues un modèle d'atelier, c'est que sur elles demeurent visiblement, comme dans la composition de Raphaël ou d'Ingres, quelque chose de l'atelier.
Vraiment, la moitié au moins de ce lever de soleil a cessé de produire une image directe, fraîche et parfaite. " Sinuosités blanches " paraît faire, par son poids, un faux-sens rythmique. " Les toits coniques des temples heptagones " mettent bien sur le paysage urbain l'effet de masse nécessaire des édifices sacrés.
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