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202 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la force, malgré sa large encolure. Timide à l'excès, l'œil tou- jours égaré, il parlait d'une voix sourde, sans timbre. Pour l'avoir rencontré deux ou trois fois, même après quinze ans, on se souvient du moindre de ses gestes, tant l'impression qu'il laissait était particulière.

Tel apparaissait l'homme ; telle devait être l'œuvre. Un compromis entre la force et la faiblesse. "

Dans la revue Die Gûldenkammer (Juin) M. Hans Franck résume la vie de Strindberg :

Selon M. Frank, Strindberg, né d'une bonne famille suédoise, avait peut-être dans les veines un peu de sang finnois ; sa grand* mère paternelle était d'origine allemande. Le père du poète épousa sa servante, une ancienne fille d'auberge, dont il avait eu déjà trois enfants. Strindberg naquit de ce mariage inégal ; son père venait d'être mis en faillite : " dans la maison dépouillée, rien ne restait, que des lits, des tables et des chaises. " Laissons parler Strindberg lui-même : " Les premières impressions dont il garde mémoire, ne furent que terreur et faim. Il avait peur du noir, il avait peur des coups, peur de faire quelque sottise^ peur de tomber, de se heurter, de gêner. Il craignait les poings de ses frères, la colère des filles, les gronderies de sa grand'mère, la baguette de sa mère et la canne de son père ". Sincère, il était puni pour menteur. "Dans trois chambres habitaient le père, avec sa femme, sept enfants, deux domestiques. Les meubles n'étaient presque que des berceaux et des lits. Des enfants sur la planche à repasser, sur les chaises, dans les lits, dans les ber- ceaux. Le père n'avait pas une chambre à lui, et pourtant se tenait toujours à la maison ; il n'acceptait pas une invitation, ne pouvant la rendre, n'allait jamais à la brasserie, jamais au théâtre. Il portait une blessure qu'il voulait cacher et guérir... L'enfant ne pouvait toucher un objet, sans mal faire ; aller et venir, sans déranger ; dire un mot, sans être importun. A la

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