LES REVUES 2O3
fin, il n'osait plus bouger ". L'école lui donne peu de joies, jusqu'à l'âge où il s'intéresse à la nature, lit, recherche, expé- rimente. Sorti du gymnase, il donne des leçons pour payer les frais d'université. " L'âme complexe du jeune homme était faite de maints croisements de sang, d'éléments en conflit dans la vie de famille ; par là dessus, de riches impressions livresques, des expériences bigarrées, un matériel assez riche, sans aucun ordre... S'il avait pu se voir lui-même, il aurait su que la plu- part des mots qu'il prononçait étaient empruntés aux livres et aux camarades ; ses gestes, à des maîtres, à des amis ; ses manières, à des parents ; sa nature, à la mère, à la nourrice ; ses penchants, au père, au grand père peut-être... Qu'avait-il donc qui fût de lui, et bien à lui ? Rien ! Mais deux traits essentiels devaient déterminer sa vie et son destin. Le doute : il n'acceptait pas les pensées sans critique, il les développait, les comparaît entre elles. Aussi ne pouvait-il devenir un automate, ni se laisser ranger dans l'ordre social. — Virritabirtté contre toute oppression: par suite il tâchait d'en alléger le poids en haussant son propre niveau, — mais aussi de critiquer tout ce qui le surpassait, pour se convaincre que ce n'était pas tellement supérieur, tellement digne de son effort. C'est ainsi qu'il entra dans la vie. Pour se développer, et pourtant rester toujours tel qu'il était".
Plus tard, après des études inachevées, sans fortune et sans vocation, il se fait tour à tour maître d'école, télégraphiste, médecin, chimiste, journaliste, peintre, acteur, prédicateur, précepteur, bibliothécaire. L'époque décisive est celle où, dans la maison d'un médecin, il satisfait à nouveau son appétit de savoir. A vingt ans, il découvre ses dons d'écrivain, compose en deux mois maints poèmes, deux comédies, une tragédie ; à trente ans, le roman : La Chambre rouge commence sa renommée. Il est inutile de rappeler ici ses trois mariages malheureux ; il attendait, il exigeait trop de la femme ; l'inévitable désillusion devait le conduire à la haine. On connaît aussi ses rapports avec le monde de littéraire de Berlin et de Paris, ses études et
�� �
