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Page:NRF 8.djvu/271

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LETTRES A FANNY BRAWNE 265

écrire, malgré tout ce qu'une pareille occupation comporte de souffrance que de jouir d'aucun plaisir auquel vous n'êtes pas associée, dût-il me rendre la santé. Sur mon âme, j'ai atteint avec vous le summum de l'amour. Je voudrais que vous puissiez sentir avec quelle tendresse je me complais dans l'évocation continuelle des différents aspects de votre manière d'être, de vos actes, de votre habillement : je vous vois, venant à ma rencontre, à la fenêtre ; je revois la moindre chose telle que je l'ai vue, encore et toujours, éternelle- ment. Si les souvenirs sont heureux, dont je retrouve la trace, je vis dans une sorte d'heureuse misère ; s'ils sont malheureux, c'est dans une misère tout à fait misérable... Vous vous plaignez de ce que je vous maltraite en paroles, en pen- sées et en actions ! Je le regrette ! je regrette parfois amèrement d'avoir jamais pu vous rendre malheureuse. Mon excuse est que ces paroles m'ont été arrachées par la violence de mes senti- ments. En tous cas, et, de toutes façons, j'ai eu tort. Si seulement je pouvais croire que je l'ai fait sans raison, je serais le plus sincère des pénitents. Je pourrais maintenant me laisser aller à mes remords, désavouer tous mes soupçons; je pourrais, quoique absent, me fondre en vous, cœur et âme... n'étaient certains passages de vos lettres... Croyez-vous donc possible que jamais je renonce à vous } Vous savez ce que je pense de moi-même et ce que je pense

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