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CHRONIQUE DE CAERDAL 333

plus que la commère de Chicago, aux cheveux rares et aux genoux cagneux, que j'ai vue jouer à l'as sur une scène avec son ombre chauve, en piétinant Bach et Beethoven, parce qu'il lui faut bien se venger de l'homme sur les dieux.

La danseuse est une sainte courtisane, dans le temple de la vie. Pour elle, la vie est joie, ou le doit être. La vie est une belle apparence, grâce à elle. L'art merveilleux de la danse rend le monde et la pensée de l'homme au sentiment heureux de la seule apparence. Tous les autres arts, ces mes- sagers du rêve, y concourent. Mais la danse fait toucher le rêve à un esprit, qui se contente enfin de ce qu'il voit. La peinture prend corps ; et dans le rêve de la couleur, la statuaire est mouvement.

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��Dans la danse, le corps est esprit. La conscience n'intervient plus pour notre tourment et notre tristesse : elle n'est plus l'organe de la différence, mais le miroir du plaisir. Sous nos yeux, le corps est le chiffre absolu de l'esprit, le signe parfait qui exprime nos désirs, nos imaginations et nos espé- rances les plus réelles. Rien de ce qui est pensé n'est étranger à la forme. La beauté de la forme fait saisir toute idée vivante par l'image qu'elle en donne : image enivrante pour une tête bien meu- blée, capable de volupté, et non gonflée de vent.

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