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Page:NRF 8.djvu/347

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CHRONIQUE DE CAERDAL 34I

répugnante. Mais Nijinski fait tort de toute la grâce à la charmante femme qui danse avec lui. Elle n'est plus à l'échelle du héros. Près de lui, elle est mièvre, chétive et sans grandeur. Elle n'est que la compagne du léopard : elle sert la panthère mâle. Elle ne l'égale pas.

Se peut-il qu'un tel homme vive, et que les femmes ne soient point folles de le suivre .? Où est le cortège d'Adonis . Je voudrais qu'elles se pendissent par milliers, non pas comme les Milésiennes pour avoir vu leur vieillesse et leur laideur au miroir, mais comme les amoureuses de Phrygie, par désespoir que le dieu fût trop beau et ne voulût pas d'elles.

En Nijinski, le jeu des proportions est une harmonie perpétuelle, une inépuisable modulation. Il fait goûter à notre sens de la vie le divin plaisir du nombre rendu sensible. Il y a là une religion des corps, l'origine d'un culte capable de contenter les cœurs enfantins. Il n'est d'ailleurs pas vrai que Nijinski exprime des idées ni des sentiments. S'il s'en flatte jamais, il tombera dans le ridicule de la dame au galop. Ce dieu de la danse a la même mission que son art : il révèle des formes et des mouvements : il n'est pas fait pour rendre des sentiments : mais pour les inspirer à ceux qui le contemplent. On ne révèle à notre gré que la chose parfaite. Il est sous nos yeux comme l'arbre sur le roc et dans le vent, comme la rose au bord

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