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Page:NRF 8.djvu/349

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CHRONIQUE DE CAERDAL 343

On ne croit pas au drame, tandis que le ballet se déroule. On s'amuse de la tragédie comme d'une image. Le verbe seul fait chair de tout. Le monde du ballet est un lieu de joie sans conscience. L'homme et la femme, ici, dansent jusque dans la mort, en vrais enfants de volupté. Que seront-ils, ces enfants de volupté, sinon des ombres au grand feu du plaisir . Et quel état plus semblable à celui d'un dieu païen, que le plaisir de l'homme au spectacle d'une danse harmonieuse ? Le chant y peut entrer, comme pur instrument d'allégresse, et pour guider jusqu'au fond des sens la volupté errante. Mais la musique sera indiscrète, si elle veut être comprise et si elle plonge le spectacle dans le Styx des passions. Au fond, les passions sont la ruine de la danse, comme elles sont le poison du plaisir. Toutes les passions sont inté- rieures, et nous rendent aveugles au spectacle. La tragédie est le lieu des passions.

Dans la danse, l'amour et le drame sont un jeu. On meurt, on vit, on aime : on fait toujours semblant. Et voilà bien le plaisir. Quel conseil plus sage aux hommes éphémères ? Las, il ne peut pas être toujours suivi : le jeu cesse, par ce que la beauté manque. Beauté, seule réalité des apparences. En un sens, la laideur n'est pas réelle. La laideur est mensonge.

L'admirable mot de Stendhal que la beauté est [une promesse de bonheur, n'a point assez de

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