Aller au contenu

Page:NRF 8.djvu/747

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 74 ï

��LES PENSEES CHOISIES de M. de Curel (Collection Sansot).

A quel besoin peut bien répondre la Collection des Glanes françaises publiée par l'éditeur Sansot ? Existe-t-il vraiment des lecteurs assez épris de sécheresse et de mortification, assez privés de fantaisie, assez insensibles de langue et de palais pour aimer à mâcher de tels chardons et pour préférer les " pensées choisies " au roman ou au drame d'où on les a détachées ? Les plus géniales maximes, celles d'un La Rochefoucauld ou d'un Nietzsche, sont un aliment si dense, si résistant, si austère qu'on n'en peut poursuivre la lecture que lentement et grâce à un effort constant d'esprit et de volonté. Et pourtant chacun de ces aphorismes-là forme une petite œuvre d'art conçue de manière à piquer notre curiosité, à retenir notre mémoire, à séduire notre goût de l'antithèse ou du paradoxe. Il est, à sa façon, aussi soigneusement composé qu'un distique ou qu'un triolet, et, qu'il soit plus ou moins intéressant ou réussi, il constitue un tout qui se suffit. Mais quel plaisir ou quel profit peut-on trouver à de malheureux membres de phrase arrachés du milieu d'un paragraphe, à des lambeaux tout mutilés ? Que dans des ouvrages de psychologie ou de morale on veuille tenter d'isoler quelques réflexions concises, passe encore ! Mais traiter de la sorte des phrases de roman et, pis encore, des phrases de drame ! Comment un homme de la clairvoyance de M. de Curel a-t-il laissé paraître Vidée pathétique et vivante, pensées choisies et précédées d'une introductim par Edouard Schneider ? Comment ne voit-il pas que de telles pages ne seront lisibles que dans la mesure où son style dramatique sera contestable ? Seuls se laissent isoler ces " mots d'auteur " qui sont les orne- ments morts de la langue de théâtre et qui dans la fluide coulée d'une scène forment des caillots et des kystes.

�� �