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Page:NRF 8.djvu/853

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SEPT HOMMES 845

il signait des pièces pour l'une des innombrables œuvres philanthropiques qui occupèrent son existence.

— Avez- vous vu votre oncle ? me demanda- t-il.

— Pas encore.

Je fus sur le point de lui déclarer que je ne voulais point revoir la figure morte de celui qui m'avait tant de fois souri. Mais je ne manifestais jamais de volonté per- sonnelle en présence de mon père, et je le suivis.

Mon oncle gisait sur le lit où la mort l'avait vaincu. Mes regards, moins curieux que craintifs, coururent à son visage. Je ne suis pas un carabin, et j'appréhendais que le premier cadavre que je dusse contempler fût celui d'un de mes proches, d'im homme que je chérissais particulière- ment. O, l'impression hideuse de cette longue forme couchée roidc, et pour toujours immobile ! Mort depuis six heures, il avait déjà les yeux enfoncés, le nez énorme, aux narines béantes, la bouche rentrée, comme cherchant à faire des efiforts gigantesques pour respirer une fois encore, une seule... Le charme et le prestige de mon oncle Hugues aboutissaient à cette chose terrifiante !... On lui avait mis un habit noir, une cravate blanche ; ses mains tenaient un Crucifix, et la croix de Malte brillait à sa poitrine.

— Vous le veillerez cette nuit ? demanda mon père.

— Certainement.

Une ombre s'agita au pied du lit, pour ranimer un cierge qui vacillait. Je distinguai une cornette et cherchai à découvrir le visage de ma sœur ; mais je ne sais pour- quoi je m'imaginais qu'elle pût être là : il lui aurait fallu au moins deux jours pour venir d'ItaHe, et la règle de son ordre, je me le rappelai ensuite, lui interdisait de sortir du cloître.

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