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858 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

poursuit. Je m'en irrite, sans doute, mais à la manière dont un ivrogne, au réveil, s'emporte contre son vice, contre son maître. Et, le soir venu, je bois à longs traits la vie de mes voisins, je suis heureux, je me délecte, je me saoule !

...Les voici ! J'entends la porte se refermer et rire les enfants. Voici le papa, tout souriant dans sa barbe. Voici les mignonnes. — La jeune fille est charmante. Pourvu qu'ils ne la marient pas trop tôt. Tiens, ils s'en vont. Où vont-ils ? Où est la maman ?...

Autrefois, que d'ignominies ne disais-je à mes maîtresses, des femmes honnêtes, de mes parentes, — de ma mère ! Un jour, — ne riez pas, je n'ai pas toujours eu ce teint de cire ni des yeux chassieux, — un jour, j'ai séduit une jeune fille. O, non pas une jeune fille " du vrai monde ", c'eût été trop facile ! Mais une petite bourgeoise, la fille d'un professeur. Je la courtisai longtemps, je lui saturai le cœur de toutes les illusions, de toutes les délices d'un grand et pur amour, — et quand elle me parut à point, je la grisai et la violentai. A trois reprises encore, je l'attirai. A trois reprises, j'assouvis sur elle les fantaisies d'un stupre délirant ; à trois reprises, je la contraignis à des débauches qui révolteraient les plus effrontées courtisanes. Et la dernière fois, quand mon cerveau recru ne sut quelle monstruosité découvrir, je la jetai à un de mes amis, — un des beaux farfelus de jadis, — qui la posséda devant moi. Là-dessus, nous nous en fûmes, tous les deux, les mains dans les poches, boire du Porto. Et la jeune fille devint ce qu'elle voulut. De ce haut fait, je n'ai jamais éprouvé le moindre remords. En ce moment même, j'évoque, dans la pleine tranquillité de ma conscience,

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