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SEPT HOMMES 86 1

d'héroïques sauvetages, et fus sur le point de mettre le feu à leur villa.

Puis il fallut m'en retourner à Paris, et je les attendis à ma fenêtre, crispé d'impatience, heureux encore de regarder les croisées de ce logis où je ne pénétrerai jamais.

...Le dîner est servi. Les voici. Voici l'invité. Ah, que vient-il faire, celui-là ? Ce doit être le frère de la dame. Il est laid comme elle, et, comme elle, hausse la mâchoire inférieure pour parler. Il dépare la maison. Je ne peux pas le sentir. Il est de trop. Ils boivent du madère. Vous riez ? Vous trouvez cela ridicule de boire du madère avant les repas r Mais puisqu'ils ont, dans leur buffet, des verres spéciatxx pour ce vin ? C'était bon pour nous, autrefois, de lamper du cognac avant la soupe, et de finir le dîner par un Pernod !...

La jeune fille est bien jolie, et d'une joliesse de bon aloi : des traits doux, de beaux cheveux blonds, — d'un blond modeste, plutôt châtain, non point de ces blonds tapageurs, dorés ou filasses. Je crois qu'ils l'élèvent bien. Elle a dix-sept ou dix-huit ans et ne va pas dans le monde. En cela, je les approuve. Il ne faut donner que peu à peu aux jeunes filles les plaisirs que leur âge comporte. Mais ils devraient la mener quelquefois au théâtre. J'en sais où elle peut entendre d'excellentes choses. Pourquoi ne verrait-elle pas P Avare ou le Roi cTTs ? Elle est un peu musicienne, d'ailleurs. L'autre soir, elle jouait des valses de Schubert sur son vieux piano, et j'ai failli fondre en larmes !

Ah, assez, je ne vous reconnais pas le droit de me tourner en dérision ! Car vous ignorez l'émotion qu'on éprouve en entendant un piano résonner dans une cour, vous n'avez jamais senti comme nous, les solitaires, que l'âme d'une

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