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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/14

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quand j’étais photographe

mais mon souvenir se précise très nettement par l’exposé prolixe qu’il m’en fit dans une rencontre et qu’il me renouvela une autre fois, car il en semblait obsédé, dans le petit appartement tendu de violet qu’il occupait à l’angle de la rue Richelieu et du boulevard : cet immeuble, célèbre comme maison de jeu sous la Restauration, portait encore à cette époque le nom d’hôtel Frascati.


Donc, selon Balzac, chaque corps dans la nature se trouve composé de séries de spectres, en couches superposées à l’infini, foliacées en pellicules infinitésimales, dans tous les sens où l’optique perçoit ce corps.

L’homme à jamais ne pouvant créer, — c’est-à-dire d’une apparition, de l’impalpable, constituer une chose solide, ou de rien faire une chose, — chaque opération Daguerrienne venait done surprendre, détachait et retenait en se l’appliquant une des couches du corps objecté.

De là pour ledit corps, et à chaque opération renouvelée, perte évidente d’un de ses spectres, c’est-à-dire d’une part de son essence constitutive.

Y avait-il perte absolue, définitive, ou cette déperdition partielle se réparait-elle consécutivement dans le mystère d’un renaissement plus ou moins instantané de la matière spectrale ? Je suppose bien que Balzac, une fois parti, n’était pas homme à s’arrêter en si bonne route, et qu’il devait marcher jus-